Mon
père
Si
vous le croisez dans les rues du village, aux aguets derrière l’objectif de son
« Reflex Canon », ou assis à la terrasse du Kafé de France, il vous
apostrophera d’un «comment ça va chef ?» avec un large sourire dissimulé sous
sa moustache grise. Il est l’un de ces personnages du pays que l’on
photographie volontiers pour garder un souvenir d’authenticité. Il a tout du
tartarin de Tarascon, lui qui est né par la force des choses dans une
pouponnière, à Moreuil, un petit bourg de Picardie.
Il
suffit d’exister pour être complet.
Le
temps a buriné son visage, ses yeux ont cette couleur verte des agates de son
enfance. Dans son crâne, les idées plus sombres qu’une nuit d’été en plein
orage, le dévorent jusqu’à la moelle. Il attend son heure, avec cette
imperturbable sagesse de celui qui sait et n’attend plus rien. Il est le
dernier grand témoin de ce que je fus avant d'être.
Cette
angoisse qui vous prend à la gorge.
Pouvoir
en rire effrontément.
Le
soir, il s’en va retrouver Pépète, la petite chienne qui l’accompagne dans son
indécrottable solitude. Ni l’un ni l’autre ne fermeront les paupières, de peur
de ne pas se réveiller ensemble.
Près de la porte
Je l’ai vu parfois grattant sa tête blanche
Je l’ai vu parfois grattant sa tête blanche
Richard TAILLEFER.
In On ne s’égare pas dans le sommeil
des autres. (manuscrit inédit)
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