RELAXATION
NOCTURNE POUR EXILES CONFINES.
D'une voix sable
De plage stable
De table du diable
Insensible
Sons confinés
Flux et reflux de
Mont-Pelé
Aplomb de brumes
surmontées
Du Macabou de vagues
de fées
Lucioles au Pitt d'une
voix lactée
Qui le soir savoure
son café
Dans un battement de
cabris-bois
Saoul du bruissement
de cannes en soi
Frissons de lune
filant des doigts
Dans un murmure se
propageant
Créole au rocher du
diamant
Tremblement des amants
d'antan
Que tout ira, le mieux
du monde
Confiant sans leurre
dans la seconde
Que bientôt je verrai
les miens
Tissant ensemble
l'alizé lien
Que les Antilles ont
un dessein
Abeilles écoulant de
leurs seins
Les lueurs du miel de
leur essaim
Le roucou de
demain...de demain
Jocelyne MOURIESSE
02 mai 2020.
La poétesse martiniquaise Jocelyne Mouriesse, coincée en France à la suite
de la fermeture des frontières et confinée par obligation à Bordeaux, continue
à nous épater avec ses poèmes quotidiens surprenants qui, reconnaissons-le, se
suivent mais sans jamais ne ressembler, grâce à une sorte de répugnance au
rabâchage apparemment.
Dans ce poème, la focalisation se porte sur la structure sonore au lieu du
niveau sémantique contrairement à ce que son auteure nous avait habitués
conformément à l’une des règles essentielles du poème en prose qui le fait
reposer sur l’image inédite et non sur le rythme et, ce dans le but de créer
l’effet esthétique escompté. Et ce choix inattendu constitue pour les lecteurs
qui connaissent son parcours une énigme à élucider.
En examinant de près ce niveau sonore, nous constatons qu’il a été exploité
à fond par l’utilisation de sept séries de rimes (sable /stable/ diable/
insensible) – (confinés /Mont-Pelé /surmontées /fées /lactée /café)
- (cabris-bois /soi/ des doigts ) – (propageant/ diamant /d'antan) – (monde/seconde)
– (miens/lien /dessein /seins) - (essaim/demain ) renforcées par
des rimes internes incorporées ici et là dans le texte telles que table du
diable - Flux et reflux - amants d'antan - de demain...de
demain .Et cette structuration phonique rythmique a eu pour résultat de
créer tout au long du texte un rythme hautement élevé comme pour exprimer une
soif vive de danse et un désir intense d’envol sur les ailes des sons vers un
monde fantastique qui libérerait le moi du carcan de l’ici maintenant ( lieu et
état du confinement).
Mais ce serait une erreur de se laisser obnubiler par ce côté phonique, car
le niveau sémantique bien qu’il ait été rétrogradé par rapport au premier, ne
manque nullement d’importance . Et cela se voit sur le plan lexical où plusieurs
vocables renvoient au milieu natal de la poétesse (Mont-Pelé – Macabu
– Créole – Antilles – alizé – roucou…) comme si
elle se laissait entraîner dans une danse endiablée avec les mots pour s’affranchir, dans un élan compensatoire, du réel exigu et étouffant où elle se
trouve et accomplir un retour imaginaire à son milieu natal.
Encore un poème confiné de haute qualité. Bravo Jocelyne !
Pr Mohamed
Salah BEN AMOR.
Le 03 mai 2020.
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