lundi 4 mai 2020

L'universitaire et critique littéraire tunisien Mohamed Salah BEN AMOR commente à nouveau un poème de l'auteure martiniquaise Jocelyne MOURIESSE autour du thème du confinement.




RELAXATION NOCTURNE POUR EXILES CONFINES.


D'une voix sable
De plage stable
De table du diable
Insensible
Sons confinés
Flux et reflux de Mont-Pelé
Aplomb de brumes surmontées
Du Macabou de vagues de fées
Lucioles au Pitt d'une voix lactée
Qui le soir savoure son café
Dans un battement de cabris-bois
Saoul du bruissement de cannes en soi
Frissons de lune filant des doigts
Dans un murmure se propageant
Créole au rocher du diamant
Tremblement des amants d'antan
Que tout ira, le mieux du monde
Confiant sans leurre dans la seconde
Que bientôt je verrai les miens
Tissant ensemble l'alizé lien
Que les Antilles ont un dessein
Abeilles écoulant de leurs seins
Les lueurs du miel de leur essaim
Le roucou de demain...de demain




Jocelyne MOURIESSE
02 mai 2020.

























La poétesse martiniquaise Jocelyne Mouriesse, coincée en France à la suite de la fermeture des frontières et confinée par obligation à Bordeaux, continue à nous épater avec ses poèmes quotidiens surprenants qui, reconnaissons-le, se suivent mais sans jamais ne ressembler, grâce à une sorte de répugnance au rabâchage apparemment.

Dans ce poème, la focalisation se porte sur la structure sonore au lieu du niveau sémantique contrairement à ce que son auteure nous avait habitués conformément à l’une des règles essentielles du poème en prose qui le fait reposer sur l’image inédite et non sur le rythme et, ce dans le but de créer l’effet esthétique escompté. Et ce choix inattendu constitue pour les lecteurs qui connaissent son parcours une énigme à élucider.

En examinant de près ce niveau sonore, nous constatons qu’il a été exploité à fond par l’utilisation de sept séries de rimes (sable /stable/ diable/ insensible) – (confinés /Mont-Pelé /surmontées /fées /lactée /café) - (cabris-bois /soi/ des doigts ) – (propageant/ diamant /d'antan) – (monde/seconde) – (miens/lien /dessein /seins) - (essaim/demain ) renforcées par des rimes internes incorporées ici et là dans le texte telles que table du diable - Flux et reflux - amants d'antan - de demain...de demain .Et cette structuration phonique rythmique a eu pour résultat de créer tout au long du texte un rythme hautement élevé comme pour exprimer une soif vive de danse et un désir intense d’envol sur les ailes des sons vers un monde fantastique qui libérerait le moi du carcan de l’ici maintenant ( lieu et état du confinement).

Mais ce serait une erreur de se laisser obnubiler par ce côté phonique, car le niveau sémantique bien qu’il ait été rétrogradé par rapport au premier, ne manque nullement d’importance . Et cela se voit sur le plan lexical où plusieurs vocables renvoient au milieu natal de la poétesse (Mont-Pelé Macabu Créole Antilles alizé roucou…) comme si elle se laissait entraîner dans une danse endiablée avec les mots pour s’affranchir, dans un élan compensatoire, du réel exigu et étouffant où elle se trouve et accomplir un retour imaginaire à son milieu natal.

Encore un poème confiné de haute qualité. Bravo Jocelyne !





Pr  Mohamed Salah BEN AMOR.
Le 03 mai 2020.























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