vendredi 1 mai 2020

L'universitaire et critique littéraire tunisien Mohamed Salah BEN AMOR commente un récent POÈME de l'auteure martiniquaise Jocelyne MOURIESSE.




Plus assez de papier
Filer vers l'ère de démasquer
La bouffée d'art de la journée.


Une citation qui vous fait mouche
Le "comment-terre" qui accouche
Le poil à gratter de nos bouches


Le vivaneau en robe de chambre
Délire sous cape et va de l'amble
Au couvre chef en carton tendre


Des esquisses surfilent la lueur
D'un monde à peindre à la sueur
En noir et blanc miel en douceur


Du sport et sur toute la ligne
Recettes gourmandes assassines
Les kilos à l'œil se patinent


D'une vieille liane décapitée
De nouvelles têtes se sont élevées
Hoberelles aux fils à tisser


Des masques nous en sont tombés
Aux chevilles des "rimèd razié"
Des algues aux rythmes tambourinés


Toutes les pièces exposées
Sont authentiques et toutes peintes
Au "piment" des confinés.











Jocelyne MOURIESSE.
30 avril 2020.























Ce poème, bien qu’il ait été généré du même noyau sémantique que le précédent (Bordeaux), celui du confinement, parait, de prime abord, encore plus énigmatique, vue la masse énorme de symboles dont il regorge et qui incitent le lecteur à essayer de les déchiffrer pour dissiper les zones d’ombre qui obscurcissent la visée de l’auteure et ses vouloir-dire. Mais, bien que la plupart des symboles que l’auteure a mis en œuvre dans son texte ne soient pas du genre archétypal, et qu’aucun dictionnaire spécialisé ne peut, en principe, nous venir en aide pour les élucider, le thème global du poème nous parait, par contre, assez clair : l’état d’âme d’une poétesse confinée qui s’investit corps et âme dans son lieu de réclusion aussi bien sur l’écriture (Plus assez de papier - La bouffée d'art de la journée )que sur la lecture (Une citation qui vous fait mouche/Le "comment-terre" qui accouche/Le poil à gratter de nos bouches).

Mais comme l’écriture est, pour les jongleurs de mots plus importante que la lecture, l’auteure a tenu à la mettre en évidence par la description de l’extrême méticulosité avec laquelle elle « peint le monde » (Des esquisses surfilent la lueur/D'un monde à peindre à la sueur/En noir et blanc miel en douceur - fils à tisser).

Quant à son état d’âme, il se présente sous sa plume comme le résultat d’un extrême enchevêtrement entre deux univers de natures différentes : l’un l’image du milieu natal rapportée par la mémoire ou techniquement par le flash - back. Et cette image est reconnaissable par la présence d’éléments de la faune et de la flore de l’île de la Martinique (liane –algue - vivaneau - Hoberelle…) et l’autre est onirique et il se voit à travers l’ambiance fantastique née de l’accumulation de tous ces symboles personnels.

L’acte de l’écriture poétique soumis d’un côté à la pression de ces deux univers et d’un autre côté à celle de la réclusion, est semblable au piment qui réunit deux qualités opposées,  étant piquant et savoureux à la fois, il procure au poète un plaisir douloureux  !

Est-ce le message que l’auteure a bien voulu faire passer ? J’en doute fort mais tant pis, car l’important pour le lecteur est d’essayer de comprendre,  et s’il n’y arrive pas,  il lui suffit d’avoir eu l’honneur d’essayer.






Pr Mohamed Salah BEN AMOR.






















Mots-clés expliqués :

Filer :
Transformer en fil (une matière textile).
Sécréter un fil de soie, en parlant des araignées et de nombreuses chenilles.
Développer longuement et habilement
Passer très vite. « Filer à toute allure ».


Vivaneau :
Le terme vivaneau est un nom vernaculaire souvent associé au poisson Lutjanus vivanus. En réalité, le mot est utilisé pour de nombreuses autres espèces de poissons appartenant à des genres différents de la famille des Lutjanidés. Ils sont appréciés en cuisine.


Amble :
L'amble est une sorte d'allure de marche rapide de certains quadrupèdes. Il est possible d'entendre des termes comme aller l'amble ou aller à l'amble. Les quadrupèdes marchent généralement par bipèdes diagonaux, alors qu'un quadrupède faisant de l'amble marche par bipèdes latéraux.


Surfilage :
L'action de surfiler consiste à réaliser un arrêt de l'effilochage des bords coupés des tissus tissés, les non-tissés ne peuvent s’effilocher. Point de droite à gauche, qui doit être accompagné du point de surjet de gauche à droite.


Patine :
coloration prise par certains objets ou certaines matières lorsqu’ils vieillissent.


Hoberelle :
oiseau rapace diurne du genre faucon, mais plus petit que ce dernier, migrateur, vivant en Europe l'été, en bordure de forêt ou dans les boqueteaux et chassant pour se nourrir des petits oiseaux, comme les alouettes, les cailles, ainsi que des insectes













































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