Harlem en plein cœur de New-York comme une blessure sur la peau d’un nouveau-né. J’ai vu ce quartier noir, blanc, rouge, perdu dans la fumée blanchâtre des cigares et mon âme a senti d’un trait, comme une déchirure, toute la douleur que cachaient ces appartements couleur de sang ou de néant enchevêtrés dans la demi-misère déguisée d’un monde bouillonnant.
Harlem pas si loin des quartiers huppés de Manhattan, comme la nuit qui regarde le jour avec une faim aiguë de clarté sur les lèvres. Verso impénétrable d’un miroir trahi.
Comment un nom si poétique peut-il porter un tel poids d’agonie ?
Harlem tableau surréaliste qui est rentré en moi par effraction, un après-midi de printemps où les fleurs se sont tues pour entendre les soupirs opaques des bouges, où le ciel soulé ramassait en titubant ses ombres cassées sur le poitrail ébouriffé des arbres, et depuis, qui n’en est jamais ressorti.
Harlem pauvre tel un mensonge dévoilé, mais riche de ses sourires d’enfants bruyants ; des bribes de gospel et de reggae flottant dans l’air lourd au bas des fenêtres coincées ou dans la cécité des ascenseurs puants.
J’ai jeté le filet de mon cœur sur le désordre de ce quartier trépidant, sans savoir qu’une moisson de noms galactiques comme Baldwin, Garvey, Langston, Dorothy, Aaron…allait illuminer les façades décrépites de mon silence.
C’est dans ce labyrinthe mythique, plus grand qu’une gorge de naufragé aux abois, que des cris amers d’artistes, d’insurgés, de blessés ont crû comme des lierres sauvages sur les trottoirs pour prendre l’espoir en otage. Là que l’encre incendiaire des poètes a irrigué la colère des damnés d’une terre arc-en-ciel. Harlem de la résistance ! Harlem de l’amour !
Elbeau CARLYNX.
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