A Colette Boisgallais et à Tristan Cabral.
Il y a l'imagination
qui respire la réalité à pleins poumons
mon sens féminin
se fait les ongles sur le monde
O ce serait terrible si la lune se brisait
où se rencontrer où se regarder ?
Peut-être que des miroirs obscurcis
prendraient refuge sous nos visages
quand les eaux se referment
quand notre peau se soulève
comme les vagues de la mer
Il y a l'imagination
les lèvres sur le ciel du soir
qui délivre des ghettos les damnés
des enfants chantent “mon ami Pierrot”
des enfants dont les larmes
sont plus meurtrières que la mitraille
des enfants interdits aux rires féroces
qui s'avancent dans la nuit
animés de toutes les superstitions
Ils s'en vont conquérir
à leurs risques et périls
des terres de liberté
Au clair de la lune
ils se reconnaissent tous
dans leurs yeux se brisent des vérités
qu'ils n'ont jamais apprises
Il y a l'imagination
et tout l'amour stupide du monde
dans les mots les plus simple qu'ils prononcent
Vous gens de la bonne conscience endémique
ignorant leurs joies leurs peines
vous n'avez jamais voulu vraiment les reconnaître
vous récoltez la haine
et vous vous étonnez...
Ils savourent les grandes marées des rêves
leurs chants indomptables engloutiront les morts
Ils sont déjà là parmi nous
sur des chemins invisibles
fleuris d'enchantements imprévisibles
Ils sont là cachés dans les lisières de l'amour
pour en finir avec vos aveux et vos prières
pour en finir avec le sang stagnant
de votre misère suffisante et de vos certitudes
Il y a l'imagination
qui fait feu de vos châteaux de paille
de vos monnaies d'échange et de vos privilèges
Il y a l'imagination
qui coule à flot dans la plus noire des nuits
au fond des gouffres boueux du silence
Il y a la terre innocente
hurlant par la bouche
de ses enfants en colère.
André CHENET.
In Premiers poèmes (1974).
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