dimanche 22 août 2021

Un très beau poème du Français André CHENET, REQUIEM POUR LES VIVANTS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Colette Boisgallais et à Tristan Cabral.

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a l'imagination

qui respire la réalité à pleins poumons

mon sens féminin

se fait les ongles sur le monde

O ce serait terrible si la lune se brisait

où se rencontrer où se regarder ?

Peut-être que des miroirs obscurcis

prendraient refuge sous nos visages

quand les eaux se referment

quand notre peau se soulève

comme les vagues de la mer

Il y a l'imagination

les lèvres sur le ciel du soir

qui délivre des ghettos les damnés

des enfants chantent “mon ami Pierrot”

des enfants dont les larmes

sont plus meurtrières que la mitraille

des enfants interdits aux rires féroces

qui s'avancent dans la nuit

animés de toutes les superstitions

Ils s'en vont conquérir

à leurs risques et périls

des terres de liberté

Au clair de la lune

ils se reconnaissent tous

dans leurs yeux se brisent des vérités

qu'ils n'ont jamais apprises

Il y a l'imagination

et tout l'amour stupide du monde

dans les mots les plus simple qu'ils prononcent

Vous gens de la bonne conscience endémique

ignorant leurs joies leurs peines

vous n'avez jamais voulu vraiment les reconnaître

vous récoltez la haine

et vous vous étonnez...

Ils savourent les grandes marées des rêves

leurs chants indomptables engloutiront les morts

Ils sont déjà là parmi nous

sur des chemins invisibles

fleuris d'enchantements imprévisibles

Ils sont là cachés dans les lisières de l'amour

pour en finir avec vos aveux et vos prières

pour en finir avec le sang stagnant

de votre misère suffisante et de vos certitudes

Il y a l'imagination

qui fait feu de vos châteaux de paille

de vos monnaies d'échange et de vos privilèges

Il y a l'imagination

qui coule à flot dans la plus noire des nuits

au fond des gouffres boueux du silence

Il y a la terre innocente

hurlant par la bouche

de ses enfants en colère.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

André CHENET.

In Premiers poèmes (1974).

 

 

 

 

 

 

 

 

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