LES INVISIBLES.
(5)
Il y avait bien une gare. Une femme, seule au milieu de nulle part. Sans rien dire, sans penser, dans le silence de la nuit, elle erre, poussant un caddie rempli du peu de choses qu’il lui reste. Un survêt usagé rouge et noir, une paire de baskets Adidas trouvée dans une décharge de la rue de Charenton.
Les trains, elle les voit partir et s’éloigner en emportant ses rêves d’autrefois. Elle était venue d’Amérique du Sud pour découvrir Paris et ressentir un air de liberté.
Comme toutes les mères du monde, elle a versé toutes ses larmes quand son enfant, dans un trou, fut jeté comme un chien.
Vers deux heures du matin, les agents de surveillance de la SNCF fermeront les grilles d’accès de la gare. Comme tous les jours, elle échangera quelques mots pleins de gentillesse avec les vigiles au corps taillé dans le marbre. Sa nuit, elle la passera par un aller-retour d’un terminus à l’autre, sur le siège d’un bus, sous le regard protecteur du conducteur de la RATP.
Ainsi va sa vie : dès l’aube, vers les cinq heures, elle retrouvera le hall de la Gare de l’Est. Son petit univers à elle, comme elle dit.
Avec ce sourire qui ne la quitte jamais et qui vous traverse de part en part, ce qui nous reste d’humanité.
Richard TAILLEFER.
N.B : A travers l’histoire de cette femme, je pense à tous ceux qui doivent fuir la mort, les dictatures, la misère, la drogue ; tous aspirent simplement à avoir le droit de vivre. Oui, il y a en France, aussi bien, des miséreux. Ils aspirent aussi au droit de vivre. Aucune misère ne peut en cacher une autre. J’ai rencontré cette dame suite à un reportage à la télévision. Je suis allé à sa rencontre. Ce furent pour moi des instants très forts. Je ne sais ce qu’elle est devenue. J’espère qu’elle a trouvé un chemin de vie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire